[Entretien avec Pierre Coucourde] Blanchisserie Tourbillon : écologique, sociale et concurrentielle

[Entretien avec Pierre  Coucourde] Blanchisserie Tourbillon : écologique, sociale et concurrentielle

Inaugurée en septembre 2021 par la Fondation Clair Bois, la Fondation Trajets et l’entreprise sociale PRO, la Blanchisserie Tourbillon (Plan-les-Ouates) est à la fois un exemple de structure mutualisée et un modèle de durabilité. Outre sa performance énergétique, une attention particulière a été portée à l’ergonomie des installations afin d’offrir des emplois adaptés à des personnes en situation de handicap. Au-delà des besoins des trois institutions, la blanchisserie peut compter sur une clientèle exigeante, du secteur privé comme des collectivités publiques – sans oublier le pressing en rez-de chaussée ouvert aux particuliers.

Rencontre avec Pierre Coucourde, directeur général de la Fondation Clair-Bois

Présentez-nous la genèse du projet…

Les premières discussions ente Clair-Bois et Trajets remontent à 2014. Alors que nous devions moderniser nos installations de Pinchat et des Minoteries, la blanchisserie du Pont-d’Arve exploitée par Trajets devait déménager pour se développer. L’intention de travailler ensemble était réelle.

Outre nos besoins convergents, nos « clientèles » étaient complémentaires : Trajets travaillait notamment pour des institutions dédiées aux seniors et pour la Ville de Genève alors que nous devions répondre à nos propres besoins. PRO nous a rejoint avec des activités spécialisées dans les vêtements professionnels.

Nous avons rapidement obtenu le soutien de la Fondation Wilsdorf. Restait à trouver des locaux adaptés. C’est ce qui a pris du temps, jusqu’à ce que le projet de campus social de la FIDES prenne forme à Tourbillon et que l’on nous propose d’y installer la blanchisserie.

Comment met-on en commun trois entités avec trois identités très marquées ?

Sur le papier, cela semble simple de réunir trois organisations engagées dans l’économie sociale et solidaire. Mais dans les faits, ce sont trois philosophies, trois cultures et trois façons de travailler. Il faut trouver un mode opératoire qui satisfait tout le monde. Nous y sommes parvenus, aussi avec la nomination d’un directeur en charge de la blanchisserie. Celle-ci est d’ailleurs appelée à terme à acquérir son indépendance.

Quelles sont les capacités de la Blanchisserie ? Parvenez-vous à être compétitif ?

Techniquement, elles peuvent atteindre quatre tonnes par jour. Actuellement nous en traitons quotidiennement une tonne, essentiellement du linge de corps pour les résidents d’établissements spécialisés ou d’EMS ainsi que des vêtements de travail. Mais nos clients sont également issus de l’industrie, d’écoles, de la restauration, de l’hôtellerie, des collectivités publiques, etc.
Au-delà de notre signature « développement durable », nous garantissons la traçabilité de chaque vêtement. C’est une vraie plus-value pour nos clients : grâce à une puce cousue dans le vêtement, nous pouvons identifier le traitement adéquat de chaque vêtement et faciliter le tri.

De même, nous garantissons le suivi d’équipements de sécurité comme les tenues ignifugées dont le nombre de cycles de lavage est limité. Cette prestation associée à la qualité du nettoyage nous permet d’être très compétitifs.

Vous soulignez l’importance de l’ergonomie des installations, qui est adaptée aux membres de l’équipe de la blanchisserie. Qui travaille ici ?

Une équipe de professionnels encadre des personnes en situation de handicap ainsi que des personnes en formation issues de l’AI qui ont des difficultés d’apprentissage, et que nous accompagnons jusqu’au CFC afin qu’elles accèdent ensuite au premier marché du travail. Sur un total de quarante personnes, nous comptons dix encadrants et trente emplois adaptés.

De fait, l’ergonomie de la blanchisserie est adaptée à différentes formes de handicap, avec une semi-automatisation du convoyage du linge, des machines installées à hauteur d’homme, etc.

Auriez-vous pu mettre en place un tel concept au cœur d’un bâtiment déjà construit ?

Nous avons planché sur un projet inséré dans un bâtiment préexistant, mais avec un degré de complexité bien supérieur et un moindre impact. A Tourbillon, nous avons collaboré avec les architectes dès la conception du bâtiment. Ce travail en amont du projet, lors de la phase de conception du bâtiment, rend possible l’implantation d’une activité industrielle en étages.

Justement, quelles mesures d’économie d’énergie avez-vous pu mettre en place ?

Tout d’abord, nous avons installé des machines à laver de dernière génération avec un système qui nous permet de récupérer 80% de l’eau chaude d’essorage. Nous la réinjectons dans un autre cycle de lavage après filtration pour économiser de l’énergie et de l’eau.

A l’étape du séchage, les calories produites sont récupérées via des échangeurs connectés au système général du bâtiment, pour le chauffer ou le refroidir. Sur ce point-là, il était nécessaire d’intervenir sur la construction. Sans oublier les qualités propres au bâtiment en termes de sobriété énergique et de production photovoltaïque dont nous profitons également.

Avez-vous des chiffres qui illustrent votre performance énergétique ?

Pas encore, dans la mesure où 2022 était la première année d’exploitation pleine. D’autre part, les bases de comparaison nous manquent. Chez Clair-Bois, la blanchisserie a grandi au fur et à mesure de nos besoins, sans que nous installation d’outils de monitoring. Ce que je peux dire en revanche, c’est que la consommation d’électricité et d’eau a drastiquement baissé dans nos foyers de Pinchat ou des Minoteries.

Mais votre démarche va plus loin que l’optimisation énergétique…

C’est un projet dont les fondements sont basés sur les trois dimensions du développement durable, avec un axe social très fort, et sur l’économie circulaire.

Cela se reflète par exemple dans notre politique d’achats. Si nous limitons la consommation d’eau, nous allons au bout des choses en cherchant à limiter l’impact sur l’environnement des produits de lessive que nous utilisons. Pour ce qui est de la logistique, nos tournées de prise en charge et de livraison sont optimisées. De même, nous développons la livraison par vélo-cargo quand c’est possible.

Des projets à terme ?

Nous travaillons sur un projet de prise en charge des couches réutilisables. Nous pouvons techniquement le faire, mais nous devons passer à une autre échelle. Il y a une demande réelle de la part des crèches et du domaine socio-sanitaire. Outre l’impact environnemental, l’ambition est de l’associer à une fabrication locale. PRO, qui produit des masques FFP2 possède le savoir-faire. Au final, il est question d’une boucle d’économie circulaire de proximité.

www.blanchisserie-trajets.ch

 

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Auteur de la page

Sébastien Bourqui

Genie.ch

Modérateur

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